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Pour des Tiers-Lieux en réseau.
Les Tiers-Lieux se déploient, ils parviennent souvent à créer une communauté de résidents et de partenaires intéressante et impliquée. Mais ils s'essoufflent souvent car une équipe d'animation peut difficilement rester totalement impliquée après plusieurs années si elle ne peut recevoir de renfort ou renouveler ses bénévoles lorsqu'il s'agit d'une association. La communication d'un lieu seul est chronophage se fait avec un budget souvent très restreint. Les projets ambitieux paraissent inaccessibles à un lieu seul.
Créer un réseau c'est :
- Favoriser les collaborations entre lieux et communautés,
- faire émerger des réponses collectives à un appel à projet national,
- partager des compétences de "fab manager" (animateur de fablab),
- s'assurer d'un programme d'animations largement diffusé...
Tout cela et bien plus encore facilitera grandement la vie des tiers-lieux à l'échelle d'un département par exemple.
Le lancement du futur réseau des tiers-lieux de la Mayenne en Pays de la Loire, par exemple auquel j'ai participé il y a quelques jours a montré une envie forte de collaborer, de la part des porteurs de projets et des acteurs de lieux en activité. Un envie mais aussi un savoir faire certain dans l'organisation dynamisante qui accompagne la probable naissance d'un futur réseau de lieux volontaires. Ici au Collectif 2:4 à Pré-en-Pail.

En 2017, j'écrivais dans Zevillage un article qui, déjà, insistait sur la nécessité d'une mise en réseau des tiers-lieux sur un territoire.
Une bonne partie de cet article reste aujourd'hui totalement d'actualité, d'autant que les lieux hybrides ont essaimé partout en France et ce avec des formats, des gouvernances, des porteurs, des rayonnements et même des objectifs, très variés.
La fausse bonne idée de la tarification unique... la vraie bonne idée de l'offre de "services plus"et du partage d'expériences et de visibilité
Le but ultime qui consisterait à réunir en une offre et un tarif unique les tiers-lieux d'un territoire est illusoire et pour tout dire dangereuse. Autant d'ADN, de gouvernances, de modes de financement, d'équipements, et donc de tarifs, que de tiers-lieux. C'est ainsi et la collectivité n'a surtout pas à s'y ingérer au risque de casser les dynamiques. Affichage d'une offre variée ne nécessite pas uniformité tarifaire.
Par contre, conduire à l'émergence de nouveaux services mis en place en commun peut souvent s'avérer très efficace.
Un exemple, en Région Centre Val de Loire avec le Pass coworking :

10 €, c'est le tarif à la journée que vous paierez si vous êtes membre régulier d'un lieu de la région et que vous souhaitez coworker une journée dans un autre lieu de Centre Val de Loire membre de programme.
À l'échelle d'une vaste région c'est une offre très intéressante.
Des offres de conciergerie, de formations, de locations de salles... Tout cela peut également assurer une couche de services complémentaires qu'un tiers-lieu ne pourrait rentabiliser seul.
Le partage d'expériences reste évidemment une valeur sûre, des lieux souvent en recherche d'un modèle économique pérenne, ont un grand besoin de ce type de partage.
Un réseau de tiers-lieux c'est également une capacité de communiquer plus fortement collectivement. En effet, les tiers-lieux ne disposent pas souvent de vrais budgets de communication. Ce sont les résidents qui font rayonner l'activité du lieu et souvent en bonifient l'attractivité. Ils donnent envie de venir!.
Un réseau de tiers-lieu, c'est un levier de visibilité évident car un relai plus puissant de chaque évènement.
Une communauté étendue
On vient dans un espace de coworking pour rencontrer d'autres personnes, pour découvrir une actualité locale... On n'y vient de moins en moins pour la qualité du wifi ou du café, quoiqu'il n'est pas interdit d'y trouver du bon café ;)...
Créer un réseau de tiers-lieux c'est aussi rapprocher les communautés des différents lieux, souvent proches géographiquement, qui sont donc un vaste vivier de partenaires, de clients, de fournisseurs potentiels. Chaque tiers-lieu qui adhère à une dynamique réseau de tiers-lieux peut donc bonifier son offre en ouvrant de belles perspectives de rencontres nouvelles à ses membres.
La Communauté de Communes du Maine Saosnois par exemple, en ouvrant prochainement deux lieux de coworking à Mamers et Bonnétable au nord de la Sarthe veille à constituer une communauté unique, plus grande, et donc plus attractive. Ce petit réseau à l'échelle d'un territoire répond, à son niveau, aux mêmes enjeux que les réseaux départementaux ou régionaux. Le réseau peut d'ailleurs fort bien s'élargir aux lieux voisins.
Une preuve d'intelligence collective pour le territoire
Oui un territoire peut être intelligent, je dirai, agile car il utilise des ressources existantes et, avec, en fait émerger de nouvelles.
Un territoire qui affiche sa dynamique collective va démontrer sa capacité à faire collaborer les acteurs au bénéfice de tous. De bon augure pour un candidat nouveau résident !

La Drôme avec le réseau Cédille, le Gard avec son tout nouveau réseau de tiers-lieux (photo), la Vendée avec un site Internet très abouti... Les initiatives se multiplient et elles vont dans le sens de l'histoire. Le tout dernier programme d'appui aux tiers-lieux annoncé par l'Etat, sur la base notamment du travail de France Tiers-Lieux, prévoit d'ailleurs explicitement la démarche de mise en place de réseaux de tiers-lieux à l'échelle des Région.
Un conseil en passant ?
L'arrivée en force des collectivités territoriales, des foncières, des centres de congrès ou de certaines écoles avec la création de tiers-lieux à vocation économique souvent modifie le paysage des tiers-lieux. Certains lieux sont en réalité des centres d'affaires rebaptisés "coworking", concept plus vendeur, mais beaucoup sont de véritables lieux de bouillonnement et mettent en place une gouvernance participative efficace.
Les réseaux de tiers-lieux à venir, s'ils n'ont pas vocation à intégrer des centres d'affaires, devraient veiller à ne pas exclure ces nouveaux lieux où, demain, bouillonnera l'économie de leur territoire. L'intégration dans la dynamique des entreprises, des artisans, des acteurs de la formation est à ce prix.
Au travers des futurs réseaux de tiers-lieux, ces lieux, quasi "maisons de l'économie" à l'ADN participatif, peuvent constituer une porte d'entrée naturelle pour les entreprises locales et des partenariats très utiles.
Parions que ces réseaux de tiers-lieux, notamment départementaux, feront également évoluer le format des lieux créé par les acteurs publics. Ils les ouvriront à plus de gouvernance partagée notamment.